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Zuckerberg désolé, Facebook renforcé

Le PDG était auditionné par les élus américains sur les scandales touchant Facebook. Rien de tel n’est prévu à Bruxelles.

Cinq heures mardi devant le sénat américain. Quatre heures de plus devant la chambre des représentants mercredi à Washington. Mais pas une minute à Bruxelles. Mark Zuckerberg a passé cette semaine à s’excuser et à donner des gages de bonne volonté aux hommes politiques d’outre-Atlantique pour tenter d’éteindre le feu qui gagne la maison Facebook et ses deux milliards d’utilisateurs. L’Europe, elle, attendra. Même si 2,7 millions de ses citoyens sont concernés par le plus grand scandale de la courte histoire du réseau social. Les données des profils de 87 millions d’internautes ont été aspirées, à leur insu, par l’entreprise Cambridge Analytica pour alimenter la campagne de Donald Trump en 2016.

Quatorze ans à s’excuser

Le dirigeant trentenaire est aujourd’hui sommé de s’expliquer sur cette affaire, mais aussi sur tous les autres problèmes survenus ces derniers mois. « Nous n’avons pas fait assez (…) Cela va des fake news, de l’interférence étrangère dans le processus électoral à l’incitation à la haine, tout comme aux données concernant la vie privée. C’est mon erreur et j’en suis désolé », a-t-il récité par coeur à deux reprises.

Il a ensuite fait la liste des mesures déjà prises et d’autres à venir afin d’éviter que de tels problèmes ne se reproduisent. Une sénatrice a fait remarquer que Facebook s’était très souvent excusé tout au long de ces quatorze dernières années. Un de ses collègues a demandé le nom de l’hôtel dans lequel séjournait le PDG et à qui il avait adressé des messages ces derniers jours et s’est heurté à un refus catégorique. « Je pense que c’est pourtant le sujet qui nous préoccupe. Votre droit à la vie privée », a répondu l’édile. Ambiance.

La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, concernés

Mark Zuckerberg a dû également s’expliquer sur la vente illégale de médicaments sur son réseau ou les moyens d’y lutter contre le terrorisme et a reconnu avoir été lui-même la victime du vol de ses informations personnelles. Toutes ces heures de débats, les citoyens européens auraient sans doute apprécié d’en bénéficier aussi. Le parlement britannique a déjà essuyé un refus. La France aurait pu faire la même demande, elle qui n’a pas été épargnée par les derniers grands scandales frappant aujourd’hui Facebook.

Dans son document remis au sénat américain, son patron souligne qu’au moment de l’élection présidentielle française, l’an dernier, 30 000 faux comptes ont été trouvés et fermés par sa société dans l’Hexagone. L’entreprise Cambridge Analytica et son application This is your digital life ont exploité les données de 87 millions de personnes, mais soixante-seize Français seulement auraient installée l’application.

Pour autant, jusqu’à 211 591 de leurs amis seraient concernés. Moins qu’au Royaume-Uni (plus d’un million de personnes) ou en l’Allemagne (310 000), mais plus qu’en Belgique (61 000). Paradoxalement, l’Europe, ce grand absent des débats, n’aura sans doute jamais été aussi souvent pris en exemple par les élus américains. Quitte à susciter des rires narquois dans l’assistance.

Le maître des données

Car cette affaire survient à la veille de l’entrée en vigueur de la mise en oeuvre du Règlement général sur la protection des données (RGPD) sur le Vieux Continent, le 25 mai prochain. Un texte destiné à défendre les citoyens sur la collecte, le stockage, la circulation et la suppression de leurs informations personnelles. Cette loi va également permettre de sanctionner les contrevenants, qui pourront payer jusqu’à 20 millions d’euros d’amende, et une enquête vient d’être ouverte par les autorités européennes, menée par l’Irlande et l’Angleterre. « Le monde entier va regarder comment l’Europe va se coordonner pour sanctionner Facebook, indique Etienne Drouard, associé au cabinet d’avocats K&L Gates. Ce sera le premier test, une occasion unique, pour les pays de l’Union. »

Interrogé à ce sujet, Mark Zuckerberg a estimé que Bruxelles « avait bien fait les choses » et qu’il n’était pas opposé à une approche similaire aux Etats-Unis, sans rien promettre toutefois. En attendant le vote d’une loi américaine plus contraignante sur les données personnelles, Facebook applique déjà des mesures qui pourraient, comme le souligne Etienne Drouard, accroître son pouvoir: « Afin d’éviter de revivre l’épisode Cambridge Analytica, Facebook est en train de réduire le volume d’informations qu’il partageait jusqu’ici avec des entreprises tierces, notamment avec des sociétés de ciblage marketing comme Axciom. Le service aspirera donc toutes les données et ne régurgitera plus rien. Du coup, Facebook sera le seul à savoir à qui adresser un message publicitaire, à quel moment et pour qui ». Finalement, « Zuck » et sa création pourraient sortir de cette crise plus forts que jamais.


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